[Livres] Rentrée POL : Mathias Megenoz et Christine Montalbetti, par Périne Pichon

[Livres] Rentrée POL : Mathias Megenoz et Christine Montalbetti, par Périne Pichon

septembre 26, 2014
in Category: Livres reçus, UNE
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[Livres] Rentrée POL : Mathias Megenoz et Christine Montalbetti, par Périne Pichon

Parmi les nouveautés  P.O.L de ce mois de septembre, à découvrir : le premier – et volumineux ! – roman de Mathias Megenoz, Karpathia, et Plus rien que les vagues et le vent, de Christine Montalbetti.

 

► Mathias Megenoz, Karpathia, 697 pages, 23,90 €, ISBN: 978-2-8180-2076-0.

 

La Marche de Radetzky, de Joseph Roth, évoque les brisures déjà visibles de l’Empire austro-hongrois avant l’assassinat de François-Ferdinand. Karpathia s’intéresse au même géant, dans la première partie du XIX siècle. Alors que le narrateur de Roth observe le futur démantèlement depuis l’intérieur d’une institution de l’Empire, l’armée, celui de Mathias Megenoz s’attache à un de ses membres finalement peu exploré : la Transylvanie. Terre de forêts et de montagnes, le pays des Carpates est habité par les magyars, valaques et saxons. Ces trois populations ne vivent pas ensemble, elles vivent à côté les unes des autres, à peine conscientes d’appartenir à un Empire. Et certainement pas conscientes de former une unité dans cet Empire.

 

Dans l’Histoire, la Transylvanie a été l’objet de plusieurs convoitises, entre la Hongrie, l’Autriche, et plus récemment la Roumanie. Les personnages de l’histoire de Mathiaz Megenoz sont victimes d’une fascination identique pour cette terre. Alexander Korvanyi, veut ainsi assurer sa domination sur le territoire de ses ancêtres. Le retour à la terre est également le moyen pour lui de sceller son union avec Cara Von Amprecht :

 

C’est alors que la solution lui apparut : il irait retrouver les racines de la familles, la terre-source de sa noblesse, les domaines des Korvanyi. Il se souvenait d’avoir envié le bonheur de Ruprecht von Amprecht apprenant à gérer son futur domaine de Bad Schelm. Le code intérieur que son père lui avait transmis ne pouvait qu’approuver la volonté de redevenir seigneur sur sa terre. La régénération de la noblesse par le retour au fief, cela sonnait bien dans le ton du vieux Korvanyi.

 

Alexander rêve d’une relation de propriétaire avec la terre, superposée à une relation filiale : la « terre-source » étant la terre des ancêtres. Ces deux types de relation sont motivées par l’inaccessibilité de la Transylvanie, qui semble toujours échapper à ceux qui veulent se l’accaparer. Ainsi, à sa barrière géologique (les Carpates), elle ajoute une barrière temporelle, tordant le nez à l’hypothétique linéarité du temps. Même si le récit s’ouvre sur une date, il s’agit d’une temporalité autrichienne, qui ne signifie plus rien une fois passée la frontière de la Transylvanie. L’objectivité du narrateur contribue à cet enfoncement dans le hors-temps. En effet, ses personnages agissent comme soumis à une logique de répétition : ils font ce qui a été fait déjà, ce qui se fera encore… et les mythes d’hommes loups, de vampires les accompagnent, attirant la terre des Carpates vers l’a-temporalité. C’est elle la véritable héroïne du récit, la terre sauvage et merveilleusement belle.

 

► Christine Montalbetti, Plus rien que les vagues et le vent, 285 pages, 16,90 €, ISBN : 978-2-8180-2115-6.

Un homme s’arrête dans un pub en Californie, face à la mer. Vite, l’habitude est prise de revenir à ce pub chaque soir pour écouter les histoires des habitués ; surtout celle du trio assemblé là face à Moses le barman, chaque soir.

C’est un récit rétrospectif que nous livre le narrateur, construit autour d’un événement considéré comme fatal, à la fois origine et finalité de la narration. Le lecteur est donc maintenu dans un état d’appréhension, d’attente de l’événement. Sauf qu’entre l’annonce faite de celui-ci et sa consécration s’intercalent cette série d’histoires racontées chez Moses. Et en lisant chacune, on cherche un indice pour comprendre celle propre au narrateur. Or, ce dernier mène l’enquête avec nous, lui qui aurait dû « flairer quelque chose », deviner la suite, dans l’air de bagarre persistant.

 

Finalement, le récit du narrateur se dérobe derrière ceux des autres personnages. Ces histoires croisées s’enchaînent à la trame du récit principal, comme Pénélope tissant sa toile. Ce n’est pas un hasard si le bar de Moses, point d’intersection des histoires racontées, s’appelle Le retour d’Ulysse.

 

Le retour d’Ulysse, c’était un retour ensanglanté. C’était Harry qui l’avait dit, que c’était une histoire qui se finissait dans le sang. Que c’était ça dont il croyait se souvenir, à la fin, une scène de massacre. Et cette scène, alors, forcément, s’était mise à planer entre les murs de bois du bar de Moses, avec l’humidité maltée, là-dedans, qui empoissait tout.

 

En racontant ces histoires, le narrateur se place dans la tradition des conteurs à retardement ; ces Shéhérazade cherchant par la parole à la fois à différer et à amener un dénouement attendu. D’où une écriture empreinte d’oralité, qui s’amuse parfois à digresser et qui mêle les voix des différents personnages rencontrés à/dans celle de la narration.

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rédaction

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