[Chronique] Antoine Dufeu, Blancs, par Périne Pichon

[Chronique] Antoine Dufeu, Blancs, par Périne Pichon

avril 17, 2014
in Category: chroniques, Livres reçus, UNE
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[Chronique] Antoine Dufeu, Blancs, par Périne Pichon

On découvrira ci-dessous un curieux livre-web, la dernière création d’Antoine Dufeu…

Antoine Dufeu, Blancs, CNEAI, printemps 2014, 6 €, ISBN : 2-912483-80-8.

Présentation éditoriale

Blancs est un livre exposition. Il peut prendre toute forme diffusable connue ou non à ce jour et, au gré des publications, être imprimé ou au format numérique, gratuit ou payant. Il peut être diffusé et numéroté de manière aléatoire à l’occasion d’expositions dont il pourra servir de prétexte. Blancs puise dans la matière des articles de presse que l’auteur, sous son propre nom ou sous celui de l’un de ses hétéronymes, Marius Guérin, a publié sur le site Caradisiac depuis mars 2006 mais aussi dans celle de leurs commentateurs.

Le Cneai publie trois premières formes de Blancs :

Version : 2014-3-1-A-A
Livre au format 11×16,5 cm (à la Française) diffusé et vendu par le Cneai. Cette version comprend une sélection de liens url renvoyant à autant d’articles.

Version : 2014-3-1-B-B
Fichier pdf au format 29,7×21 cm (à l’Italienne) diffusé gratuitement par le Cneai et l’auteur à partir de leurs sites respectifs, www.antoinedufeu.fr). Cette version reprend les liens de la version 2014-3-1-A-A. Pour chaque article, un des commentaires a été tiré au sort et mis en exergue.

Version : 2014-3-1-C-C
Magazine au format 22×28 cm diffusé et vendu sur le site Blurb. Cette version reprend les liens de la version 2014-3-1-A-A. À partir de chaque lien url sont extraits un ou des mots transformés en image ; chaque lien crédite alors chaque image correspondante.

 

Note de lecture

 

Dommage qu’il n’existe pas de papier susceptible de nous mener directement à une page web d’un clic du doigt. C’est l’impression que peut laisser Blancs à son ouverture, un livre qui se prolonge dans l’univers internet.

La couleur étant annoncée, la tentation est grande, après quelques clics, de laisser tomber l’ordre aléatoire donné par le livre pour naviguer sur les pages virtuelles de son homologue web. Antoine Dufeu, enrôlé comme chroniqueur pour le site Caradisiac, fait bondir son lecteur de lien en lien, principalement depuis sa rubrique « Minuit Chicanes » posté chaque soir à 22H, et quelques autres…

Provoquer le commentaire semble faire parti du jeu :

« Minuit chicanes est un drôle d’espace qui ne semble pas vous laisser indifférent. J’ai tendance à estimer que même lorsque des efforts de forme sont expérimentés (comme ici), des forçages sont à l’œuvre (comme ) ou encore des raccourcis condensés sont tentés, cela n’est jamais suffisant. Heureusement, souvent, vos commentaires accompagnent, complètent, amendent le projet de dérapage nocturne commun. »

« Caradisiac », quand on ouvre la page, peut surprendre. Pourtant, le mot lui-même annonce la donne : sur « caradisiac », on parle automobile, ce qui ne peut que porter à faire des tours de langue. Sur Caradisiac, surtout, on teste l’espace web, on tâte les potentialités de la page virtuelle. Le « dérapage » suppose un décalage, relativement involontaire – il y a des dérapages contrôlés –, autrement dit une sortie des sentiers battus, dans l’inconnu.

La « toile » est un gigantesque écran, où chacun peut aussi bien lire qu’écrire ; un espace hors temps, où revenir en arrière est possible, tout comme faire des bonds dans le temps. Les liens auxquels renvoient les articles permettent de penser le mot comme un objet virtuel, un fil qui en entraîne d’autres dans sa vibration sur la toile. « Ici » et « là », non seulement appartiennent au texte, mais renvoient réellement à une autre place, et à un autre jour dans le passé. Blancs, en tant que livre, ne serait alors que la présentation d’un itinéraire possible parmi d’autres sur Caradisiac. A moins qu’il ne prolonge le débat sur la pérennité du format papier, le livre Blancs peut aussi apparaître comme une trace concrète et préhensible de ce qui est écrit sur le web.

 

En suivant la piste d’Antoine Dufeu sur Caradisiac, on retrouve des collages de textes (http://www.caradisiac.com/Minuit-chicanes-La-vraie-vie-est-d’avoir-une-voiture-amie-56685.htm), de photos, de vidéos (http://www.caradisiac.com/Minuit-chicanes-55595.htm). Parfois, l’amorce qui les accompagne est si légère qu’elle semble juste être prétexte à ouvrir un débat. Dommage que les commentateurs se répètent souvent sans chercher à prolonger un peu plus celui-ci, sans songer à user un peu plus ce pré-texte. La plasticité de la page web s’en trouve cependant soulignée : la possibilité de rajouter une note, un avis, une question, bref de reprendre le débat existe toujours. Encore une fois, on pense à l’éternelle Bibliothèque de Babel de Jorge Luis Borgès, mais aussi au Livre de Sable qu’il imagine, un livre qui mute, se dissout et se transforme sans cesse, qui n’a ni fin ni commencement. Or, Blancs, dans son titre et dans sa forme, annonce un retour à la page blanche, une dissolution du texte. L’écrit est éphémère. Ou plutôt il est l’outil d’une expérience soit dans la création, soit dans la lecture (et en un sens, on peut imaginer une dissolution du texte dans la lecture ou dans les lectures).

Cependant, un espace blanc est également une invitation au remplissage. Le texte est alors non seulement vivant mais mutant, il peut disparaître pour réapparaître sous une nouvelle forme, s’amputer, s’allonger, se transformer. Réciproquement, dans un monde virtuel soumis à des mutations, un objet peut devenir texte aussi bien qu’un texte objet. Finalement, Blancs est une ouverture à des jeux de transformations infinis.

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rédaction

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